Enregistrer les musiques populaires - Recording popular music

XXIII Colloque biennal international de l’IASPM, 7-11 juillet 2025, Paris (France)

IASPM-bfE et Université Sorbonne Nouvelle

Appel à communications

Enregistrer les musiques populaires

 

Colloque international 2025 de l’IASPM

 

organisé par l’Iaspm-bfE et l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris, France)

 

7-11 juillet 2025

 

    L’enregistrement a joué un rôle central lors de la constitution du champ de recherche sur les musiques populaires dans les années 1970-1980 : à cette période de mise en place des popular music studies,le statut spécifique de l’enregistrement permettait de distinguer trois pôles, celui des musiques populaires – ou popular music –, des musiques savantes – ou art music – et des musiques traditionnelles ou folk music.

    L'enregistrement a également été pensé en tant que symptôme et variable dans le développement du commerce de la musique. Devenue un bien reproductible, la musique évolue dans des directions nouvelles quand, vers le milieu du xxe siècle, le disque devient le support principal de l’industrie musicale. Dans le même mouvement, l’enregistrement inscrit la musique dans un contexte médiatique de large diffusion incluant la radio, le cinéma, plus tard la télévision, puis Internet. À l’heure de la plateformisation des musiques populaires, les droits musicaux et la constitution de catalogues deviennent un enjeu majeur pour les industries culturelles et les acteurs économiques du numérique. 

    Le support enregistré, comme bien reproductible, devient aussi un bien conservable, archivable, et restaurable (réédition) au gré des changements de support. À des aspects marchands – renouveler l’équipement des ménages, vendre des éditions augmentées, des alternate takes, etc. – s’ajoute une dimension créative : l’enregistrement peut être support de création (platinisme, djing, échantillonnage), ainsi qu’une dimension patrimoniale – l’enregistrement comme trace ou trésor du passé –, les diggers pouvant apparaître à la jonction de ces deux dimensions.

    Logiquement, l’analyse des enregistrements comme « textes » des musiques populaires a été une des grandes orientations de recherches des quarante dernières années. Or ce type d’analyse, applicable à toutes les musiques enregistrées, a aussi l’avantage de remettre en question les barrières entre méta-genres musicaux et d’assouplir les catégories à travers lesquelles la musique est pensée, parfois de manière trop rigide.

    Le champ de recherche sur la production musicale et les techniques de studio s’est lui aussi considérablement développé au fil des dernières décennies. La littérature scientifique souligne ainsi depuis longtemps l'importance du studio d’enregistrement comme outil technique et artistique - le studio instrument de musique -, lieu d'interactions, point focal économique, au carrefour du pratique, du technique, de l'esthétique et du social, avec des caractéristiques très particulières en termes d'espace et de temporalité. Il est également le lieu de certains rapports de production mouvants, entre musiciens et intermédiaires de la production, dont le statut évolue tout au long de son histoire. Plus récemment, la démocratisation du home studio depuis les années 1980 a ouvert encore de nouvelles perspectives sociales et économiques. Elle implique des révolutions également sur le plan créatif : continuum composition-interprétation-production, place centrale de l’enregistrement, remise en cause du statut de l'auteur / de l'interprète...

    Mais les questions soulevées par l’enregistrement des musiques populaires se renouvellent et s’enrichissent depuis quelques années selon d’autres perspectives, plus contemporaines. Parmi elles, les études postcoloniales : comment enregistre-t-on la musique dans le monde ? Les études de genre : comment les pratiques de l'enregistrement reflètent-elles ou font-elles bouger les lignes en matière de relations de pouvoir et de stéréotypes de genres ? Les questionnements écologiques se posent aussi dans ce champ, à travers l'empreinte environnementale de la musique enregistrée, que ce soit sur support physique ou au format numérique.

    Par ailleurs, les années récentes ont réactivé la curiosité scientifique pour le concert et le live, comme situation musicale centrale, différente de l'enregistrement : différente à quel point ? On considère le plus souvent que la notion de live n'existe que parce que l'enregistré domine, et que le concept de liveness se développe seulement par rapport à l’enregistré, qui est aussi du médiatisé. Du point de vue esthétique et ontologique, le continuum entre live et enregistré renvoie à la fluidité de l’enregistrement utilisé comme matériau de composition, dans les pratiques live, en amont de la création. Les exemples vont du hip-hop et du trip-hop à de nombreuses musiques électroniques, et au-delà : quel est, dès aujourd’hui, le rôle de l’informatique, de l’intelligence artificielle, de la production automatique d’enregistrements, en concert et sur disque, et comment évolueront les pratiques à l’avenir ?

    Le renouveau de la recherche sur le live est parallèle à la réémergence du concert comme nœud de l’économie musicale - alors que dans la seconde partie du xxe siècle, le live était presque simplement une promotion de l’enregistré et ne faisait pas couler beaucoup d’encre dans les milieux académiques. On peut dès lors supposer que l’intérêt actuel pour le live vient de la crise des ventes de musiques enregistrées des quinze premières années du xxie siècle. Mais plus récemment, avec la crise sanitaire de 2019-2022, une réalité mondialement partagée, l’impossibilité de monter sur scène, ou d’aller au concert, venait bousculer les habitudes dans le domaine de la musique live et, là aussi, initier de nouvelles réflexions et recherches sur la bipolarité live / enregistré.

    Autre aspect, parmi les plus importants : au-delà de l’enregistrement comme processus relevant du studio ou de divers équipements techniques, le colloque invite à considérer de manière mondiale et culturelle le fait d’enregistrer les musiques populaires. Enregistrer, c'est garder des traces, des pistes (tracks), qui peuvent aussi se comprendre en un sens large, anthropologique : comment sont-elles conservées ? Comment sont-elles aussi parfois effacées ? Comment la diversité socio-culturelle "s'enregistre" ou non dans les musiques populaires, selon une opposition entre on track et off track ? Quel est le rôle du field recording dans ce processus ? Quelles logiques président à ces invisibilisations ou à ces conservations - matérielles, dématérialisées ou même immatérielles -, rendant certains genres ou répertoires plus audibles et présents que d’autres ? Comment l'enregistrement des musiques participe-t-il de leur sémantisation, de leur représentation, de la configuration des genres musicaux, du jeu d'instauration de leur valeur, esthétique, économique, politique, culturelle, sociale ?

    La différence entre les genres musicaux se retrouve dans leur rapport à l’enregistrement. Ici affleure la tension perpétuellement créée dans les musiques populaires par la notion d'authenticité, diverse selon les genres de musiques populaires, et souvent active dans le rapport à l’enregistrement et au live. Les valeurs associées à l'effet live dans l'enregistrement ne se posent donc pas de la même manière dans tous les genres, et cela a un impact sur les techniques d'enregistrement, sur les diverses illusions que ces dernières sont chargées, ou non, de créer, quand elles veulent faire oublier que l’enregistrement est toujours un artefact.

    C’est alors aussi la réception et l’écoute des enregistrements qui est en jeu : quel jugement les communautés - les publics mais aussi les critiques et autres professionnels - portent-elles sur les musiques enregistrées ? Selon quels critères ? Les techniques d'enregistrement ont d’ailleurs fait évoluer à leur tour les goûts, les sensibilités, les modes et les habitudes d'écoute. Dans une logique de « discomorphose » des pratiques musicales, l'accoutumance de l'oreille aux sons travaillés en studio a fait grandir, par exemple, l'attention au timbre. L’écoute a évolué avec les usages et comportements permis par la musique enregistrée et par ses différents formats, centraux dans les musiques populaires. Cela rejoint aussi les interrogations récentes portées par les sound studies et l’archéologie des médias en matière de soundscape, d’archives sonores, de patrimoines musicaux et de son, au-delà de la musique.

    Le colloque biennal de l’IASPM 2025 ouvre ces questionnements à tous les genres musicaux populaires, dans une pluridisciplinarité caractéristique des popular music studies : anthropologie, économie, sociologie, esthétique, musicologie, histoire, approches politiques, études techniques, etc. La liste n’est pas close et l’intention est aussi de favoriser les croisements entre toutes les entrées possibles sur le sujet. Les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants ; toutefois des propositions hors thématique ne seront pas exclues du processus d’évaluation et elles seront elles aussi prises en compte.

  • L’enregistrement comme média
  • De l’enregistrement aux data et à la plateformisation des musiques populaires
  • Enregistrement et live, enregistrement et performance : quelles connexions ?
  • L’enregistrement comme technique : matériel, support, technologies électronumériques pour le traitement du signal
  • Le studio d’enregistrement et ses différents formats
  • Lien avec les sound studies
  • Pratiques et médiations de l’enregistrement, statut de ses intermédiaires (producteurs, monteurs, mixeurs, top liners…), rapports de production musicale
  • Enregistrement et droits voisins, modèles de rémunération, conventions internationales
  • Enregistrement et intelligence artificielle
  • L’enregistrement et les études de genre (gender studies)
  • Enregistrement des musiques populaires et diversité culturelle mondiale. Traces ou effacements de la diversité des cultures
  • Les musiques enregistrées comme patrimoine : mise en exposition, mise en musée
  • Enregistrement et économie de la musique, enregistrement et marchandisation de la musique
  • L’enregistrement sonore comme technique d’enquête et/ou comme écriture
  • L’enregistrement comme texte pour l’analyse
  • Les enregistrements et leur réception : quelles écoutes des musiques populaires enregistrées ? Quelles catégories d’appréciation ? Quels liens entre enregistrement et genres musicaux ?
  • Usages des enregistrements et pratiques de danse

 

Modalités de soumission

 

Les propositions de communication seront en français ou en anglais, d’une longueur de 250 à 300 mots. Elles seront suivies de quelques références bibliographiques, et/ou une indication des sources si pertinent. Elles préciseront dans lesquels des axes elles s’inscrivent (dans la limite de trois), incluront une courte bio-bibliographie de l’auteur.rice ainsi que sa branche IASPM d'appartenance. 

La proposition est à déposer sur cette page : https://iaspm-paris2025.sciencesconf.org/submission/submit 

La date limite d’envoi des propositions est le 15 octobre 2024.

Chaque participant.e devra être adhérent.e d’une branche ou de l’IASPM international au moment du colloque : www.iaspm.net/how-to-join / https://iaspmbfe.wordpress.com/adherer/ 

 

Les communications individuelles dureront 20 minutes, et seront suivies par 10 minutes de discussion. 

Le colloque diffusera certaines sessions en ligne. Mais la participation à distance ne sera pas possible.

Les propositions sous forme de panel sont les bienvenues (sessions d’une heure et demie comprenant trois communications, ou deux communications et un.e discutant.e). Chaque panel doit comprendre au moins 30 minutes pour la discussion ou pour les commentaires par un.e discutant.e. L’organisateur.rice du panel devra soumettre le résumé de la session ainsi que tous les résumés individuels de communications (entre 200 et 350 mots chacun) en une seule soumission, avec une liste complète des noms des participant.e.s, leur biographie et leur branche IASPM d'appartenance.

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